Ces microbes qui nous veulent du bien

Le chiffre peut paraître étonnant et pourtant, notre corps est bien constitué à 50 % de bactéries et autres microbes. Malgré leur importance pour notre santé, ceux-ci souffrent encore d’une vision très négative. Geneviève Héry-Arnaud, a fait de ces « microbes humains » son sujet d’étude privilégié et vous apprend à les connaître et les aimer dans son livre « Ces microbes qui nous veulent du bien ».

Un laboratoire de l’UMR 1078 © Benjamin Deroche

« Je sentais une vraie curiosité de la part du grand public sur les nouvelles données en microbiologie, on sent inconsciemment que les microbes, notamment au niveau du ventre, sont importants pour notre santé. ». Pour répondre aux attentes du grand public, mais aussi des professionnels de la santé de toutes disciplines, qui s’intéressent de plus en plus à l’étude des microbiotes, Geneviève Héry-Arnaud, Professeur des Universités et Praticien Hospitalier de l’UMR 1078* (Inserm-UBO-Établissement Français du Sang-CHRU de Brest), s’est lancée dans la rédaction d’un livre consacré aux microbes.

« Dans mon livre, j’ai voulu expliquer simplement, concrètement comment agissent nos bactéries et comment on peut agir sur elles, et donc comment on peut agir sur notre bonne santé à travers le soin que l’on donne à son microbiote ».

Nourri d’exemples concrets et de données sur tous les microbiotes de nos organes, cet ouvrage permet « d’expliquer ce que font les bactéries chez nous, de les relier avec des maladies que l’on connaît et que l’on redoute, d’expliquer les mécanismes et données obtenues grâce à la recherche, de donner des perspectives et d’aiguiser la curiosité ».
Avec son livre, Geneviève Héry-Arnaud se place ainsi en défenseuse de nos microbes et veut surtout nous prouver qu’ils nous veulent du bien, comme elle le fait au quotidien dans son laboratoire de recherche et auprès de ses étudiants.

Une spécificité brestoise

Boîte de Petri avec culture de bactéries

Selon Geneviève Héry-Arnaud, l’être humain n’est ni plus ni moins « qu’une boîte de Petri avec des baskets ».
C’est en tout cas l’image qu’elle aime montrer aux étudiants de médecine lors de leur premier cours de bactériologie, pour insister sur l’importance des bactéries, qui composent près de la moitié de notre organisme. Pourtant, ces bactéries souffrent encore d’une vision péjorative, où elles sont uniquement synonymes d’infections et de maladies : « Il faut remettre le curseur au bon endroit ; oui, il y a des bactéries pathogènes, responsables d’infection, mais l’immense majorité des bactéries font partie de nous » précise Geneviève Héry-Arnaud.
Ces bactéries sont présentes dans tous les organes, et sont accompagnées de virus, champignons et levures. L’ensemble de ces micro-organismes forment des microbiotes, qui remplissent de nombreuses fonctions physiologiques, essentielles à la santé humaine.
Convaincue de l’intérêt des microbiotes, à la fois comme outil de diagnostic, de prévention et de traitement, Geneviève Héry-Arnaud en a fait son sujet de recherche. Elle dirige notamment le laboratoire Microbiota, spécialisé dans l’étude du microbiote pulmonaire. Le laboratoire a fait ce pari il y a une dizaine d’années, à une époque où il n’était pas encore admis qu’il existait un microbiote dans nos poumons

« Quand on dit microbiote, tout le monde pense à la flore intestinale, nous, on s’est un peu distingué. Quand on est à Brest, la localisation géographique nous incite à penser différemment des autres. »

Cette spécificité brestoise ne s’arrête pas là, puisque l’équipe du laboratoire Microbiota a également développé une approche originale en étudiant l’ensemble des bactéries pulmonaires, et non pas individuellement comme en bactériologie classique. Cette méthode, inspirée des travaux de Geneviève Héry-Arnaud avec le LUBEM* et l’INRA de Jouy-en-Josas, apporte une complexité supplémentaire à l’étude des communautés microbiennes. Elle permet cependant d’avoir une vision globale du microbiote pulmonaire, et de ses interactions avec les autres microbiotes.

Une question d’équilibre

Ensemenceur pour prélever des bactéries et les mettre en culture dans une boîte de Petri
© Benjamin Deroche

De l’apparition de bouton d’acné, jusqu’au développement de maladies intestinales graves, la composition des microbiotes peut avoir des conséquences directes sur notre santé : « c’est la question de l’œuf ou de la poule : est-ce que c’est le déséquilibre du microbiote qui provoque la maladie, ou est-ce que c’est la maladie qui fait qu’on a un microbiote déséquilibré ».
L’équilibre du microbiote se défini par la présence, ou l’absence, de certaines bactéries. C’est par exemple la prolifération de Streptococus mutans, bactérie déjà présente dans notre microbiote bucco-dentaire, mais favorisées par une alimentation riche en sucre, qui va conduire à l’apparition de caries.
L’alimentation joue d’ailleurs un rôle essentiel dans l’équilibre des microbiotes grâce aux éléments nutritifs qui favorisent certaines bonnes bactéries : « Les microbiotes sont des organes polymorphes faits de 30 mille milliards de petites bouches à nourrir, et qu’il faut bien nourrir si on veut qu’elles nous rendent de bons services ».

« Aujourd’hui on sait quand un microbiote est déséquilibré, on peut observer l’apparition de symptômes visibles, mais on ne sait pas dire pourquoi ; il y a une trop grande variabilité inter-individuelle ».

Tout l’enjeu de la recherche actuelle en bactériologie est de comprendre ce qui provoque ce déséquilibre et ce qui permet de faire la distinction entre un microbiote sain et un microbiote anormal. Cela passe par l’analyse des microbiotes chez une population de malades, permettant d’établir la liste des bactéries présentes et en quelle quantité.

Pour en savoir plus :
Ces microbes qui nous veulent du bien – Édition Humen Sciences
Émission « La Terre au carré » du mercredi 14 avril 2021 avec Geneviève Héry-Arnaud